mardi 12 juillet 2016

25 mai: Terre libérée, souveraineté inassouvie, institutions confisquées et réformes introuvables


Le 25 mai 2000, Tsahal entamait un retrait forcé acculée par l’action continue, les coups d’éclats et de butoirs d’une Résistance déterminée, tenace et héroïque. Ce retrait sans négociations ni accord préalable d’un territoire arabe constitue une première dans les annales du conflit israélo–arabe ; la preuve s'il en fallait qu'Israël ne comprend et ne respecte que le langage de la force et la logique de la confrontation[1]. Ce n’est pas un hasard si Hassan Nasrallah est à ce jour l’un des seuls leader arabe à exercer un tel pouvoir d’influence et à avoir un  tel impact tant sur les dirigeants que sur l’opinion publique en Israël.  Aussi, chacun de ses discours, de ses prises de positions, chacune de ses mise en garde, de ses menaces sont scrutées, prises très au sérieux, font l’objet d’une large couverture médiatique et suscitent de fortes réactions chez les dirigeants politiques, sécuritaires et militaires.
Seize ans plus tard, la donne n’est plus la même, loin s’en faut.
Le contexte, tant international, régional, que local, a changé et la géopolitique du Moyen Orient a connu des bouleversements considérables. Le Liban a subi de nombreuses secousses, dont une autre libération suite au retrait des forces syriennes, l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, la guerre de 2006 et ses conséquences ainsi que la longue confrontation stérile entre les deux blocs du 14 et 8 Mars. Des secousses qui n’ont pas épargné l’ensemble du monde arabe, Etats, régimes, nations et peuples confondus, modifiant profondément la configuration, les équilibres, les rapports de forces et alliances.
Ces bouleversements durables aux incidences toujours en cours n’épargnent pas le Hezbollah, ses alliés régionaux et ses soutiens locaux.
La perception, la nature et le rôle de cette « résistance » s’en trouvent modifiés et éprouvés ; elle est désormais confrontée  à des menaces protéiformes à la fois internes et externes. Source de tension au niveau national, le Hezbollah est considéré comme un danger tant au niveau local que régional. Même la guerre de 2006 et sa victoire face à Israël, du moins sa non-défaite ou sa victoire par défaut, ne sont paradoxalement pas parvenu à dissiper les réserves et les remises en cause quant à la légitimité et la légalité de son rôle, bien au contraire les animosités n’ont fait que croitre.

La menace israélienne est plus présente que jamais ; elle nécessite vigilance, fermeté et dissuasion face au gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël et le moins disposé à signer la paix. Il n’en demeure pas moins  la nature des opposants et des ennemis, internes et externes, s’est considérablement diversifiée ; ils sont désormais plus nombreux et leur présence géographique est plus diffuse notamment depuis la guerre en Syrie où le Hezbollah a adopté le principe de la « Meilleure défense c’est l’attaque ». Aussi, de nouveaux fronts se sont ouverts et les défis - politiques, militaires et économiques - se sont multipliés contraignant la « Résistance » à adapter ses réponses, son discours ainsi que sa stratégie, notamment face aux groupes armées djihadistes.

De symbole de la lutte contre Israël, du plus prestigieux mouvement de libération arabe, le Hezbollah se retrouve labélisé en tant que groupe terroriste par le CCG, la ligue arabe et l’OCI, alors même qu’il est représenté au sein des institutions libanaises et que son statut de  résistance à été entériné par plusieurs déclarations ministérielles depuis 2005. Une criminalisation qui plus est intervient 10 ans après un deuxième succès face à Israël, qualifié de « Victoire Divine » par le Hezbollah à l’issue de la guerre dites des 33 jours.

« Terroriste » est un terme générique utilise par des Etats ou  des envahisseurs pour discréditer un mouvement et en délégitimer les actions. L’unanimité de façade autour du Hezbollah et de son rôle s’est lézardé, mise à mal par la guerre de 2006 et l’assassinat de Hariri. Son image de « résistance » nationale s’est érodée au fur et à mesure qu’il s’est invité dans le jeu politique interne et que son rôle régional s’est développé au détriment de sa dimension nationale. Il se présente désormais sous une double casquette, celle d’une « résistance » contestée, encore plus depuis qu’elle est impliquée hors des frontières libanaises, et celle d’un parti politique immergé dans le système de pouvoir libanais; enlisé à l’instar des autres acteurs politiques dans une logique communautaire et sectaire.
Le passage d’un statut de résistance à celui de parti est un phénomène complexe et périlleux ; il constitue souvent une pierre d’achoppement au processus de reconstruction étatique et de recouvrement de la souveraineté.

L’intégration des mouvements de résistance et de libération nationale[2] dans les périodes post-libération ainsi que leur désarmement sont des problématiques courantes aux pays victimes d’occupations. Cette question est d’autant plus délicate lorsque l’occupation d’un pays se couple d’une guerre civile sur base confessionnelle.

A plus d’un aspect, le cas du Hezbollah ce distingue par sa singularité et une grande complexité, ce qui ne simplifie pas la donne. Ce dernier dispose toujours de sa branche armée et d’un arsenal militaire considérable qui n’a eu cesse de se renforcer et ce en dépit de l’existence d’un Etat, nonobstant ses faiblesses et ses suffisances, et d’une armée nationale existante mais aux moyens limités.
De plus, sa composition confessionnelle homogène et l’exacerbation du conflit sunnite-chiite, rendent cette question encore plus insoluble.
Enfin sa liberté d’action vis-à-vis de l’Etat libanais ; sa propension à intervenir au-delà des frontières ; ses liens avérés et reconnus avec l’Iran, les ramifications et enjeux régionaux des conflits sont autant de facteurs qui font que le Hezbollah déborde le cadre national libanais.

Quoi qu’il en soit, le 25 mai, le Liban a connu un regain de souveraineté relative, une libération certes mais incomplète non seulement parce qu’une partie du territoire demeure sous occupation  mais aussi parce qu’elle ne s’est pas accompagnée d’une autre libération tout aussi essentielle : celle des esprits, des consciences, des peurs, des complexes, de la mémoire, de l’individu, du citoyen, des pratiques déviantes confessionnelles et clientélistes, du suivisme, de la corruption, de l’inertie du système politique, du dysfonctionnement des institutions, d’une culture politique déficiente et anachronique. S’il a recouvré en partie sa souveraineté territoriale, le Liban n’est pas parvenu pour autant à récupérer sa souveraineté politique, son autonomie décisionnelle, ni à procéder à des changements et des réformes politiques, administratives et constitutionnelles. Il a ainsi maintenu en l’état des institutions héritées de l’occupation mais aussi les pratiques politiques qui s’y rattachent. Aussi, il ne parvient pas à se défaire des insuffisances, des incohérences et des contradictions de sa Loi organique. En résulte un blocage politico-institutionnel quasi permanent couplé d’une difficulté systématique à procéder au renouvellement des élus ainsi qu’aux nominations dans l’appareil d’Etat

Ainsi, depuis 2014, le 25 mai[3] représente aussi un évènement moins heureux, celui de la vacance présidentielle qui est entrée dans sa troisième année. L’incapacité, désormais chronique, à élire un président, tout comme à renouveler les institutions, le mandat des élus et à procéder aux nominations administratives et sécuritaires sont le signe certain de l’essoufflement démocratique du système libanais et de la défaillance  de ses  mécanismes constitutionnels.

Certes les armes du Hezbollah constituent à la fois un obstacle, non des moindres, et un prétexte à l’avènement d’un Etat de droit, au fonctionnement des institutions, au respect du jeu démocratique et à la souveraineté régalienne du Liban.  
L’incapacité à mettre en œuvre une stratégie de défense claire et cohérente afin de codifier l’action du Hezbollah et l’usage de ses armes contribue à exacerber un climat déjà tendu.
La formule « Peuple, armée, résistance », adoptée par certaines déclarations ministérielles, ne fait sens et ne serait être constructive que si elle est encadrée par l’Etat. Une telle équation suppose un ordonnancement, l’existence d’une hiérarchie à la tête de laquelle se trouve l’Etat et le pouvoir politique. Le peuple est partie intégrante de l’Etat, il en est un élément constitutif ; c’est du peuple, détenteur supposé de la souveraineté, que procède l’Etat. Tant l’armée que le peuple sont soumis à loi, à l’autorité civile et au pouvoir politique issu du suffrage universel. Cela est d’autant plus vrai pour la « résistance » qui doit allégeance à l’Etat et donc au peuple qui en est partie intégrante et l’élément constitutif. Du reste c’est du peuple, détenteur supposé de la souveraineté, que procède l’Etat.
Aussi, l’action de la résistance pour être légitime et légale doit se faire en coordination et sous le contrôle des forces armées ce qui implique une subordination de fait. Ni « règle en or » ni « règle en bois » mais plutôt une exception en or. Aussi cette formule nécessite le rajout d’un quatrième élément déterminant, dont la présence devrait aller de soi, et qui chapeaute le tout : l’Etat. A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Par nature, toute exemption se doit d’être provisoire, définie dans le temps et la durée ; présenter des objectifs et une finalité univoques, être rigoureusement encadrée et codifiée quant aux modalités de son action et de sa coordination avec les appareils sécuritaires étatiques. C’est à cette condition que le Hezbollah peut constituer un véritable facteur de puissance pour le Liban ; faute de quoi il sera irrémédiablement à terme, une cause de dissension et de faiblesse.[4]
Des ambiguïtés et des confusions que ni le Hezbollah, ni ses alliés encore moins ses détracteurs ne sont parvenus à dissiper faute d’un dialogue sérieux, ciblé, adapté, technique et rationnel. Dès l’origine, les négociations autour d’une politique de défense ont été biaisées dans les termes mêmes du débat, et ce pour d’innombrables raisons : Pressions et interventions extérieures, intentions équivoques, manque de bonne volonté, méfiance mutuelle, amateurisme des participants, approche erronée, inadaptée et politisée de la question, attitude velléitaire du Hezbollah, agendas régionaux variés et antinomiques.

S’il dispute à l’Etat le monopole de la souveraineté, le Hezbollah contribue aussi paradoxalement, et d’une certaine manière, à la protéger. S’il expose le Liban, pour certains aux répercussions de la guerre en Syrie, pour d’autres aux représailles israéliennes, il n’en renforce pas moins de façon substantielle les moyens défensifs et la force de dissuasion du pays au point même d’instaurer un nouvel équilibre des forces face à Israël. Il constitue aussi une carte inestimable dans le cadre de future négociation de paix pour le règlement, plus hypothétique que jamais, du conflit israélo-arabe, mais aussi, du fait de son poids sur le terrain, éloignerait le spectre de tout accord en Syrie qui se ferait au détriment du Liban. Pour beaucoup, il est aussi depuis toujours un rempart contre l’implantation palestinienne et à présent contre celle des Syriens ainsi qu’un contrepoids utile à l’intégrisme sunnite. Il a joué un rôle militaire essentiel en contenant et repoussant les mouvements djihadistes, tant le Front el Nosra que Daech au Liban, épaulant efficacement l’armée libanaise notamment dans le Jurd d’Ersal et de Qaa. Une coordination de fait - constante, permanente et déjà ancienne -  avec l’armée libanaise, motivée par des impératifs stratégiques évidents et qui n’aura pas attendu l’hypothétique mise en place d’une stratégie défensive pour produire ses effets.
Aussi, son rôle et l’étendue de son action ont évolué au fur et à mesure des menaces, mais la question des limites et de la finalité de son action demeure plus pertinente et légitime que jamais de même que les inquiétudes qu’elle suscite.
Il n’en demeure pas moins que l’ensemble des ratés, des échecs, des blocages et des dysfonctionnements du système politique, ainsi que le déficit démocratique et les atteintes répétées à la Constitution ne sauraient être attribués au seul Hezbollah, loin s’en faut. S’il est partie prenante du problème, il n’en est pas la seule et encore moins l’unique source. En effet, les responsabilités sont partagées et diffuses ; les causes nombreuses, multidimensionnelles et protéiformes.
Le Liban souffre avant tout de difficultés d’ordre structurelles, pour certains biens antérieures à l’apparition du Hezbollah et liés à l’essence même du système politique libanais. A cela s’ajoute d’autres facteurs explicatifs, et non des moindres, qui participent à la faillite de l’Etat : Les atteintes répétées au principe sacro saint de la parité ; la non application de nombreuses réformes prévues par les accords de Taëf, le plus souvent au détriment des chrétiens et du fonctionnement des institutions ; l’exigence systématique de consensus, leitmotiv des forces politiques qui ne couvre pas les règles institutionnelles et politiques encore moins les questions fondamentales comme celles relatives à l’interprétation de la constitution, à la politique de défense, à la politique étrangère, à la loi électorale et de nombreuses autres qui touchent à la parité, au pacte et à la formule.
Enfin, l’inaptitude et l’incohérence des dirigeants, leur impunité chronique, leur manque de culture démocratique (A l’instar des gouvernés), participent aussi au dysfonctionnement du système politique.

Seize ans après la libération du Sud-Liban, les forces politico-confessionnelles sont encore trop occupées à s’affronter et à se défaire tant les unes des autres que du pacte qui les lie. Plus que jamais,  le Liban doit s’émanciper  du statu quo du vide et entamer un vaste chantier de réformes politiques, administratives et juridiques existentielles pour le modèle libanais de coexistence et de gestion égalitaire du pluralisme. Il est impératif  de rationaliser le système confessionnel libanais et les mécanismes de sa démocratie consociative mais aussi de parvenir à une meilleure compréhension et une traduction juridique et institutionnelle des termes du pacte national et de la formule, afin de permettre l’avènement d’un Etat civil et l’émergence d’un citoyen détenteur d’une véritable souveraineté juridique et politique.



[1] Au cours de sa courte histoire, l’Etat hébreux n’aura consenti à des concessions, des négociations, des accords ou des rétrocessions de territoires que lorsqu’il dût faire face à des oppositions acharnées, des résistances armées, des revers militaires et des modifications de rapports de force.
[2] Que ce soit en tant que supplétifs à un Etat absent, avili ou occupé, ou en tant que soutien à un Etat affaibli, défaillant ou à la souveraineté amputée.

[3] Par ailleurs cette date coïncide, à un jour près, avec celle de l’élection il y a 90 ans, du premier président de la république libanaise Charles Debbas, élu le 26 mai 1926, trois jours après l’adoption de la première constitution  libanaise, 23 mai 1926.
[4] La stratégie de défense, ses objectifs, ses modalités et sa mise en œuvre constitue un sujet fort complexe, une question  qui nécessiterait une étude approfondie.

Le temps ne fait rien à l'affaire ...

  
Est déconcerté par la lecture des navets du jour, émanations pudibondes d’une certaine presse acerbe et amer, qui en dépit de s’être trompée inlassablement n’a rien gagné en humilité ni en objectivité. Extrêmement prolixe en ce jour anniversaire de la guerre de Juillet 2006 elle s’en donne à coeur joie pour ressasser tous ses idiomes et ses incontournables sujets de prédilections;  il est vrai qu’elle n’a plus que rarement l’occasion de fanfaronner encore moins de se réjouir des éventuelles déconvenues de celui qui fait l’objet de toutes leurs attentions et occupe toutes leurs pensées. Par contre ce ne sont pas les occasions qui manquent de s’apitoyer des déconfitures de ceux qu’ils ont longtemps porté au pinacle des valeurs et de l’héroïsme. 

Est tout autant sidéré face à un tel étalage de mauvaise fois, de stupidité et d’inconscience; par l’expression sans freins de tant de frustrations et de complexes que rien ni personne ne semble pouvoir exorciser. Des obsessions et un entêtement tant à l’épreuve des faits que de la raison ; des analyses de haute volée et voltige, inchangée depuis 2006, comme gravées dans le marbre, et cela en dépit des évolutions, des bouleversements intervenus ces dix dernières années. Rien n’y fait,  ni l’agressivité exacerbée d’Israël et la montée de l’extrême droite ; ni l’échec du processus de paix; ni les effets indésirables du « printemps arabe ; ni le déferlement de l’intégrisme et du terrorisme sur le monde et l’implication de puissances régionales ; ni le bilan désastreux de la guerre d’Irak ; ni l’abime syrienne et ses répercussions ;  ni l’accord sur le nucléaire ; pas même les suffisances et la précarité des promesses de la communauté internationale, son impuissance avérée, son inertie et sa passivité en Syrie, son hypocrisie à l’égard des réfugiés, sa responsabilité dans l’implosion du monde arabe et dans la montée de Daesh et enfin son silence et sa déférence face à Israël. Tous ces éléments n’y changeront rien, toujours chez ses tartuffes cette même rengaine, cette inusable rhétorique que rien n’aura entamé sur l’unilatéralisme du Hezbollah et sa responsabilité univoque dans la guerre des 33 jours.
Toujours cette propension à contester les faits, même les faits d'armes, et les résultats même quand ils revêtent une quelconque dimension positive; et cette incapacité endémique à reconnaitre les mérites, quitte à les relativiser, les réalisations ainsi que les conséquences de la déroute inédite de Tsahal. 
Alors quoi, seul Israël aurait le droit à l’unilatéralisme, au fait accompli, à l’impunité et à l’initiative absolue au Liban, en Palestine, dans la guerre comme dans la paix ?
Le Liban serait-il à jamais condamner à assumer unilatéralement les actes d’Israël, à en payer le prix et à s’en tenir à une posture de faiblesse ? doit-il se priver de capitaliser ses rares atouts et d'investir ses facteurs de puissances ?
La guerre de 2006 n'a été ni voulue, ni recherchée par le Hezbollah, même s'il en a été un déclencheur et qu'à ce titre il en assume aussi la responsabilité. Cette agression  a été décidée, planifiée, préméditée et déclenchée par Israël, qui n'a jamais été à cours de prétexte pour partir en guerre. Elle devait servir des dessins bien précis partagés par de nombreux autres acteurs régionaux et qui n'auraient pas desservis certaines parties libanaises. Si victoire incontestable il y a, elle réside dans la mise en échec des objectifs qui ont motivé cette offensive. 
A mon grand regret, il faut reconnaître que ce qu’il y a de plus unilatéral chez beaucoup en nos contrée ce sont surtout l’approche et la lecture des évènements ainsi que l’aveuglement et la bêtise sans bornes. De la bêtise avant toute chose et pour cela préfère me taire avant que de commettre moi même trop d'impairs ... 








mercredi 13 avril 2016

Qui dit mieux ?

Israël de mieux en mieux : 

le député de Habayit HaYehudi, Bezalel Smotrich, a soutenu la séparation entre les mères arabes et les mères juives dans les maternités des hôpitaux israéliens. Smotrich est allé plus loin, en écrivant : « Il est naturel que ma femme ne veuille pas se coucher [dans un lit] à côté d’une femme qui vient de donner naissance à un bébé qui pourrait vouloir l’assassiner dans vingt ans ». Autant dans ce cas stériliser les femmes arabes pour éviter la fabrique de "terroristes" ...

Apartheid dans la vie, apartheid dans la mort, et à présent apartheid dès la naissance voir même avant ...

L'oubli, la mémoire et le pardon

13 Avril, souvenir d’une date, amnésie des causes, confusion des faits, impasse sur les responsabilités et sur les leçons. Un jour sombre et funeste de plus dans les annales tragiques de notre histoire, ou plus exactement de nos histoires. 40 années d’oubli et d’amnésie sélectifs, durant lesquelles nous n’avons rien compris, rien appris ou si peu. Et notamment ce constat d’échec collectif : personne n’a gagné, tout le monde a perdu. Un prix exorbitant et des impayés qui courent toujours, les intérêts en plus. Et toujours la même cécité qui nous avait allègrement menés au désastre en 1975 et qui s’étend à notre histoire moderne et contemporaine.
Une amnésie endémique qui englobe tous les faits, glorieux ou moins reluisants de notre histoire, ses pages les plus sombres (1860, 1915, 1975, 1990, 2006) et ses chapitres plus heureux. Nous ne nous retrouvons ni dans le malheur ni dans la joie, pas même sur le sens des dates charnières, encore moins sur les mythes fédérateurs qu’elles ont pour charge de véhiculer. On ne célèbre pas les mêmes événements, tant les victoires que les défaites sont relatives. Chacun demeure asservie à version et à sa propre narration. Une réception partisane et conflictuelle d’une histoire plus disputée que partagée, plus occultée qu’assumée, chaque événement étant perçu à la lumière de nos clivages confessionnels : bénéfique pour les uns, préjudiciable pour les autres. 
 Nul ne s’est départi des narratifs convenus et convenants, des mémoires divergentes et partiales. A chacun sa version, ses mythes, sa part de victimisation mais jamais sa part de l’autre. Ni mémoire, ni histoire officielles, une conjuration de l’oubli, un déni permanent du passé et du présent ; un passé au service d’un présent conflictuel, une négation du futur.
Une indifférence qui se pare de l’oubli sans pour autant se délester  de la haine, de la rancune et de l’amertume. Instaurer l’oubli à tout prix, à moindre prix pour nos consciences et nos certitudes, inchangées en partie. L’oubli ou la mémoire sélective, convulsive, inapaisée, exclusive, dépourvue d’altérité et d’empathie.
Pour échapper au jugement de l’histoire, les communautés en ont créé plusieurs, chacune la leur, s’attribuant ainsi un non lieu pour tous les actes passés et un blanc seing pour le présent. Quoi de plus naturel, le casting étant presque encore au complet et les responsables, militaires et politiques, toujours aux commandes.
Un voyage cyclique au bout de l’oubli, qui nous ramène invariablement à la case départ, où le temps se déverse et s’inverse et tout se confond dans la réédition de schémas mentaux pathogènes.  Se retrouvent ainsi à l’arrivée tous les ingrédients et les causes structurels à même de reproduire les pathos du passé. Nous demeurons ainsi des notes de bas de page de notre propre histoire.
On nous assigne l’oubli comme gage de pardon, sans confession ni acte de contrition, sans faire œuvre de pénitence, de vérité et de justice. « En pardonnant trop à qui a failli on fait injustice à qui n’a pas failli » pour reprendre les mots de Castiglione. 
L’oubli ne se décrète pas ; en aucun cas il ne doit se bâtir sur le refus de la vérité et le déni de justice. Oublier le passé certes mais non aseptiser les mémoires et anesthésier les consciences. Le silence ne peut conjurer la mémoire ni l’impunité effacer les crimes passés. Dissoudre les injustices dans l’oubli c’est créer une mémoire de l’impunité. Dans ce cas, l’oubli opère comme un abus de mémoire, un crime à la mémoire.
L’oubli relève de la problématique de la mémoire, il englobe aussi celle du pardon, au sens où celui‐ci apparaît comme la dernière étape du cheminement de l’oubli. Tant l’oubli que le pardon doivent tendre vers la recherche d’une mémoire apaisée. Dans «  La mémoire, l’histoire et l’oubli », Paul Ricoeur distingue trois types d’abus relatifs à la mémoire : La mémoire empêchée, la mémoire manipulée, la mémoire obligée. Trois abus aisément transposables et identifiables à la perception de notre mémoire historique.
Par « mémoire empêchée », Ricoeur entend la difficulté de se souvenir d’un traumatisme. Afin de pouvoir tendre vers une mémoire apaisée et une réconciliation avec le passé le souvenir traumatique doit faire l’objet d’un travail de remémoration et d'un recul critique, sans quoi il s’expose au danger de ce que les psychanalystes appellent « La compulsion de répétition ».
« La mémoire manipulée » relève des manipulations idéologiques de la mémoire par les détenteurs du pouvoir qui la mobilisent « au service de la quête, de la reconquête ou de la revendication d’identité ». Cela afin de légitimer le pouvoir en place, à le faire apparaître comme un « pouvoir légitime de se faire obéir ». L’histoire officielle devient donc aussi « une mémoire imposée », au sens où c’est elle qui est enseignée, « apprise, et célébrée publiquement ».
Avec « la mémoire obligée », Ricoeur aborde la question du « devoir de mémoire ». En tant que tel, « ce devoir n’est pas un abus mais un vrai devoir qui consiste à rendre justice aux victimes et à la cause ainsi qu’à identifier les victimes et l’agresseur.
 Dans le cas de la mémoire empêchée « la compulsion de répétition vaut oubli, au sens où elle empêche la prise de conscience de l’événement traumatique. » En ce qui concerne la mémoire manipulée, les abus de mémoire sont aussi des abus d’oubli  (car en tant que récit, la mémoire est par définition sélective), il est toujours possible de raconter différemment « en supprimant, et en déplaçant les accents d’importance ». Mais ce « trop peu de mémoire », s’il est imposé d’en haut, est assimilable à une sorte d’oubli « semi passif », dans la mesure où il suppose une certaine complicité des acteurs sociaux, qui font preuve d’un « vouloir-ne-pas-savoir ».
L’amnistie constitue par excellence selon Ricoeur une forme “d’oubli institutionnel”, un “déni de mémoire qui éloigne du pardon après en avoir proposé la simulation”. L’amnistie est une injonction à “ne pas oublier d’oublier”. En cas d’amnésie institutionnalisée, la mémoire collective est privée de la crise identitaire salutaire qui permet à la société une réappropriation consciente du passé et de sa charge traumatique et d’effectuer l’indispensable travail de mémoire et de deuil, qui doit se faire dans un esprit de pardon.
L’oubli, selon Ricoeur, a une fonction légitime et salutaire, non pas sous la forme d’une injonction, mais sous celle d’un vœu. Si devoir d’oubli il y a, ce n’est pas « un devoir de taire le mal, mais de le dire sur un mode apaisé, sans colère ».
La mémoire, à l’instar de l’oubli, est un droit mais aussi un devoir, il nous faut l’assumer et la transmettre aux générations à venir pour exorciser à tout jamais la tentation de l’abîme. Pour ce faire, il faudra bâtir la paix sur des valeurs et des principes qui nous immuniseraient à l’avenir. Tirer les leçons du passé, les intégrer et les réactualiser, c’est se résoudre à changer ce qui doit l’être et assumer un présent commun afin d’envisager un avenir somme toute plus prometteur que la simple survie et plus ambitieux qu’une suffisante cohabitation.
Exposer et explorer notre mémoire pour se réconcilier sans complaisance avec notre histoire et atteindre le pardon préalable à la confiance sans laquelle ni le pacte ni la coexistence qu’il institue ne sont possibles.
Eduquer à la paix c’est s'exposer au récit de la guerre et le transmettre aux générations futures. L’éducation est le vecteur de ce travail de mémoire même si l’école doit être un sanctuaire, un lieu préservé des tensions et conflits identitaires. Elle doit permettre aux individus de penser la coexistence, le vivre ensemble et de tirer les leçons, tant les causes que les conséquences, de la guerre. Il faut ouvrir la réflexion sur les obstacles au vivre ensemble et sur ce qui le rend possible ou difficile.
L’immunité de mémoire dont ont bénéficié les générations passées est plus grave que l’immunité légale qu’il se sont octroyés ; elle doit prendre fin, afin que nul ne réchappe au jugement de l’histoire. La complaisance vis à vis des générations passées doit cesser, un travail de déconstruction s’impose, c’est la condition de l’évolution qui passe par une remise en question de notre histoire. C’est un passage obligé ; Il nous faut parfois savoir rendre injustice aux faits et actes de nos ancêtres. Cioran ne s’y trompait pas lorsqu’il affirmait que « Le Progrès est l’injustice que chaque génération commet à l’égard de celle qui l’a précédée. »
Pour Ricoeur, une mémoire qui s’assume est une mémoire  apaisée ; soumise à l’épreuve de la vérité elle ne nourrit plus de haine et n’est dirigée contre personne. La mémoire apaisée et le pardon ont une fonction politique essentielle, et Ricoeur de se demander si la politique ne commence pas là où finit la vengeance.
Le pardon apparaît alors comme « l’horizon commun d’accomplissement » de la mémoire, de l’histoire et de l’oubli, mais il ne s’agit en aucun cas d’un « happy end », Le pardon n’est  « ni facile, ni impossible », c’est un idéal vers lequel tendre.
Ricoeur met en garde ses contemporains : ce n’est que par un travail de deuil, guidé par la volonté de réconciliation avec le passé, et par l’idéal du pardon, qu’une société est à même de se séparer définitivement du passé pour faire place au futur.
Ayons l’ambition de mobiliser notre mémoire collective en libérant nos consciences individuelles et citoyennes. Dans “la mémoire contre l’histoire”, François Bédarida s’effrayait du fait que « la raison historique capitule devant les déviances de la mémoire ». Dans “mémoire et conscience historique” il trace la voie vers une conscience commune : « au lieu de se laisser enfermer dans un jeu de miroirs, pourquoi ne pas nourrir une ambition, plus haute, d’exploration à travers le miroir. “
L’histoire nous dit-on souvent est écrite par les vainqueurs mais au Liban, la guerre, à l’instar des conflits précédents, s’est soldée par la formule du « ni vainqueur ni vaincu ». Difficile dans ces conditions de déterminer un vainqueur et un vaincu d'autant que les protagonistes furent nombreux. La guerre appartient aux mémoires mais pas encore à l’Histoire, elle reste à écrire à l’instar de l’historiographie officielle du Liban contemporaine.
D’ailleurs si la guerre du Liban n’appartient pas encore à l’Histoire, c’est peut être parce qu’elle se poursuit par d’autres moyens. Les canons se sont tu mais pas les voix de la dissension. Aussi, jusqu’à ce jour il n’existe pas de date officielle en marquant la fin. Même le 13 avril ne fait l’objet d’aucune commémoration officielle, ni jour férié ni une minute de silence, alors qu’il nous faudrait instituer ce jour comme celui du grand pardon et de la réconciliation.



jeudi 31 mars 2016

Pendant ce temps là à Sanaa dans l'indifférence quasi générale des indignés sélectifs, des pourfendeurs d'autocrates, des thuriféraires des droits de l'homme et de l'ensemble du monde "libre", une marée humaine manifeste contre les frappes de la coalition saoudienne contre le "terrorisme". 

Dévasté par la crise, qui s’est muée en véritable guerre civile dès la campagne de bombardements lancée il y a tout juste un an, le pays fait aujourd’hui face au chaos le plus total et doit également faire face à la montée en puissance de groupes terroristes comme Daesh ou Al Qaïda. Cette dernière s’est en effet emparé, depuis le début de la guerre, de larges portions de territoire au sud et à l’est du pays.

La coalition dirigée par Riyad est régulièrement critiquée par l’ONU, qui a récemment qualifié son action de «carnage», accusant l’Arabie saoudite de tuer «deux fois plus de civils» que les autres forces combattantes au Yémen. Il y aurait eu en 2015 plus de 6000 morts dont la moitié serait des civils, parmi eux 600 enfants. Depuis ce chiffre aurait déjà atteint les 9000 morts. 
Qu'elle est belle la solidarité arabe qui toujours ne s'exerce que contre l'un des leurs ...



dimanche 27 mars 2016

Palmyre ou la revanche de l'Histoire

Palmyre souillée, abandonnée, martyrisée, défigurée, mais Palmyre à nouveau libre, rendue à l'Humanité, majestueuse Reine ressurgit des sables, la pierre écorchée mais l'esprit intact. Palmyre perle de la Syrie, reflet de sa diversité, de son authenticité, témoin de l'odyssée des civilisations successives qui s'y sont retrouvées, succédées, mélangées et parfois affrontées. Palmyre, fidèle image de la Syrie, du Proche Orient, de leurs histoires et de leurs innombrables strates, fenêtre vers l'avenir. 

Palmyre, creuset des religions, des ethnies, des langues, cité de la convergence et de la rencontre fructueuse et assumée mais pas toujours pacifique, des Empires, des conquérants, des peuples, des cultures; lien ininterrompu et inaltérable entre les des deux rives de la Méditerranée, entre l'Orient et le monde gréco-romain puis l'Europe, et entre les deux bords de l'Euphrate. C'est à Tadmor, entre autre, que tant de peuples et de civilisations laissèrent, pour le plus grand bonheur de l'Humanité, leurs empreintes indélébiles, un patrimoine unique, legs et propriété de tant de nations qui les interpellent jusque dans leurs origines trop souvent oubliées. 


Palmyre ressuscitée un jour de Pâques, et dans son sillage l'âme du Proche Orient mais aussi de l'Europe. Palmyre libérée et libératrice, ou la revanche des civilisations antiques face à la barbarie et au nihilisme du présent, aux idolâtres de la mort, aux "historicides", aux révisionnistes et autres destructeurs de mondes dont la mémoire sera ensevelie sous les sables de l'oubli.