samedi 7 juillet 2018

LES ARABES CHRETIENS, PROTEGES OU PROTECTEURS ?



Le salut pour les "chrétiens d'Orient" passera-t-il par François Fillon? L'ancien premier ministre et candidat malheureux des Républicains à la présidentielle, aujourd'hui retiré de la vie politique, va créer une fondation en faveur des chrétiens d'Orient. "J'ai décidé de consacrer une partie de mon temps (ce n'est pas ce qui lui manque désormais) et de mon énergie à l'action en faveur de ces opprimés, au travers d'une fondation aujourd'hui en cours de création". 

"La cause des minorités d'Orient, particulièrement celle des chrétiens, me tient fortement à coeur. Les drames qu'ont connus ces populations au cours des dernières années dans une région traversée par les guerres, les tensions religieuses et le fondamentalisme, sont à l'origine d'épreuves humaines, familiales et communautaires souvent indicibles" a écrit l'ancien premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle, éternel défenseur des opprimés en tout genre surtout ceux de France et de Navarre. Une sollicitude bouleversante et un élan de solidarité bienvenu à l'égard de ceux qu'il décrit comme des minorités opprimées.
J'aimerai néanmoins partager quelques reflexions avec M. Fillon, et de tous ceux pris d'une tardive compassion à l'égard des chrétiens d'Orient et qui soudainement se préoccupent de leur sort. A présent que l'islamophobe est de mise, que les discours sont décomplexés, les chrétiens d'Orient, jadis condamnés à l'omerta, relégués à l'index pour cause de laïcité pointilleuse et rigoureuse, sont dans l'air du temps, récupérés souvent pour des intentions peu avouables. 

Nul n'est minoritaire en sont pays et sur sa propre terre; la condition des chrétiens d'Orient est loin d'être unique et uniforme; derrière ce terme vague et impropre il existe une multitude de communautés, de cultures, de rites, de nationalités, de traditions, de croyances et de situations mais aussi et surtout une multitude d'individualités et de personnalités singulières. Il s'agit de communautés et non de minorités, leur histoire et leur vécu ne sont pas exclusivement et constamment faits d'oppression. Certes, pour des considérations essentiellement démographiques, les chrétiens sont plus exposés à terme aux conséquences des crises et des guerres qui ravagent le monde arabe, à la dissolution du tissu socio-culturel et au délitement des structures étatiques. Ils sont aussi plus que tout autre victimes de ségrégations, de vexations, de marginalisation et en proie à un fort sentiment d'insécurité.

Cependant, leurs concitoyens musulmans subissent tout autant l'impact des guerres, des crises économiques et sociales, du chômage, de l'insécurité, des dictatures, du terrorisme et de la montée du radicalisme religieux. Ils sont tout autant, et pour des raisons similaires, candidats à l'immigration et qu'ensemble ils font la queue devant les consulats et ambassades occidentales. Ils sont tout autant victimes de la pauvreté, de la corruption étatique, de la répression policière et militaire, de l'injustice sociale et de l'absence d'Etat de droit et de respect des droits de l'Homme. Ils sont également privés de droits et de citoyenneté politiques et des libertés individuelles et collectives fondamentales ainsi que de processus démocratique. 
Ils sont avant tout victimes des choix hasardeux, des politiques catastrophiques et des considérations géopolitiques des pays occidentaux et autres grandes puissances. Cela ne dédouane en aucune manière les autorités religieuses islamiques et les concitoyens musulmans de leurs responsabilités et devoirs à l'égard des chrétiens. 

Les chrétiens ne sont ni les "protégés" de l'Islam ni de personne, encore moins de régimes qui oppressent leur peuple; ni Dihimmitude ni capitulations; ni des étrangers "tolérés" en "terre d'Islam" ni la cinquième colonne de l'Occident, encore moins une excroissance du christianisme occidental ou un reliquat, une survivance exotique des origines du christianisme. Ils n'aspirent pas moins qu'à être des citoyens à part entière, en droits et en devoirs, de leur patrie. 

La France, l'Europe et l'ensemble de la communauté internationale devraient en premier lieu adopter des politiques justes et responsables, cesser d'alimenter les conflits, de soutenir des régimes anachroniques et totalitaires, de leur vendre des armes et des instruments de répressions et accompagner ces pays sur la voie d'un développement économique équilibré et durable. Promouvoir les droits de l'homme, l'alternance démocratique, le pluralisme culturel et politique pour l'ensemble des citoyens et dénoncer d'une même voix, sans deux poids deux mesures, les atteintes à la dignité humaine et aux libertés fondamentales, qu'elles touchent les chrétiens ou l'ensemble des communautés. Pour ce faire l'Occident devra avant tout préserver en son sein la coexistence, la diversité religieuse et culturelle, la laïcité bien comprise et les valeurs des Lumières afin d'éviter l'appel du gouffre du nationalisme fermé, des identités crispées, des populismes trompeurs et des va-t-en-guerre et autres émules du "choc des civilisations". 
Le salut, tant en Orient qu'en Occident passe par la coexistence et la préservation du vivre en commun. Si les démocraties libérales en venaient à s'en éloigner, ce qui représenterait un recul démocratique, c'est l'avenir tant des chrétiens que des musulmans qui s'en trouverait hypothéqué. C'est de ce modèle de coexistence, qui les protège ainsi que leur concitoyens, que les chrétiens sont protecteurs.