"Il
est crucial, pour notre intérêt national, de maintenir en Syrie une présence
militaire et diplomatique ", a affirmé Rex Tillerson lors d’un discours sur
la stratégie américaine en Syrie prononcé à Stanford, en Californie. La mission
prioritaire étant que "l'EI ne refasse pas surface" mais aussi faire
en sorte de ne pas fournir à l'Iran « une occasion en or de renforcer encore
davantage ses positions en Syrie ». Il s’agit clairement de contenir
essentiellement l’Iran, mais aussi la Russie, notamment son emprise sur le
processus de recherche d’une solution politique, et de rassurer par la même
occasion leurs alliés israéliens, saoudiens, mais aussi plus généralement les
puissances sunnites.
Une stratégie
« nouvelle » sous certains aspects mais qui ne représente en aucun
cas une rupture avec celle adoptée par l’administration Obama. Rien de nouveau
sous le soleil hormis peut être un revirement de l’administration Trump
concernant l’avenir de Bashar Assad. En effet, Rex
Tillerson a fait pour la première fois le lien entre la présence américaine et
la nécessité d’aboutir au départ de Bachar Al-Assad :
« Une Syrie stable, unie et
indépendante nécessite, in fine, un leadership post-Assad pour voir le
jour », il a aussi estimé qu’un « départ » du président syrien,
dans le cadre du processus de paix sous l’égide de l’ONU, « créera les conditions pour une paix durable ».
Non
seulement les Etats-Unis restent en Syrie, ils possèdent plus de 2000 hommes
dans le Nord du pays, mais ils vont intensifier leur engagement et étendre leur
action. Une stratégie de confrontation et de « containement » visant
à renverser le rapport de force sur le terrain et qui a déjà fait ses preuves
avec les résultats que l'on connait. Elle consiste essentiellement à alimenter
le conflit, à reprendre et intensifier la livraison d'armes à certains groupes
rebelles, non seulement aux Kurdes mais aussi à des groups Djihadistes ou
islamiste comme “Falak Al Sham”, à former des contingents de combattants, à
soutenir les fronts au sud-est de la province d'Idleb, dans l'Est de la Ghouta
et au nord-est de Hama, où les groupes rebelles, notamment Ahrar al-Sham,
l'ex-Front al Nosra, opposent une résistance féroce aux offensives du régime.
Mais
il s'agirait surtout de réactiver les fronts du Rif de Lattaquié à l'Ouest du
pont Choughour, d'où l'armée syrienne avait expulsé les groupes rebelles il y a
plus de deux ans ainsi que tout le long de la bande frontalière avec la
Turquie.
L'objectif
militaire américain principal serait de garantir l'accès à la côte
méditerranéenne et à l’enclave de la région Kurde qu'ils ambitionneraient de
créer en Syrie. Une région qui, sans un tel accès, sera encastrée et dépendra
de manière critique des voies d’approvisionnement via la Turquie ou l’Irak.
Tout
porte à croire en effet que les États-Unis envisagent de créer dans le nord de
la Syrie, sur le territoire s'étendant de l'Euphrate à Deir ez-Zor, une
structure d'État fédéral avec les risques de partition que cela comporte. Cette
stratégie empêcherait une reprise de contrôle par le régime de l’ensemble de la
Syrie notamment sur les territoires précédements conquis par l’Etat Islamique.
Riches en hydrocarbures ils representent près d’un tiers de la Syrie.
Le 20 Octobre les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition arabe-kurde soutenue par les Etats-Unis reprenaient Raqqa la capitale de l'Etat Islamique
Elle bénéficie de l'appui israélien dont l’aviation a multiplié récemment ses raids contre les positions pro-régime.
Le 20 Octobre les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition arabe-kurde soutenue par les Etats-Unis reprenaient Raqqa la capitale de l'Etat Islamique
Elle bénéficie de l'appui israélien dont l’aviation a multiplié récemment ses raids contre les positions pro-régime.
Mais cette stratégie risque fort d'être mise à mal par les Turcs dont la position est intenable et dont les menaces d'intervention directe dans le Nord de la Syrie sont à prendre au sérieux même si elle représente une opposition frontale aux dessins
américains. Il n’empêche que la carte
Kurde constitue un point de convergence essentiel entre Moscou, Ankara, Damas
et Teheran et que les orientations de l’administration Trump au Proche Orient
élargissent le fossé qui séparait déjà les deux alliés de l’OTAN.
Alors
que Donald Trump avait déclaré que les livraisons d’armes aux milices kurdes
YPG dans le nord de la Syrie cesseraient, il s'est avéré qu'il n’en est rien,
et les bases militaires américaines s'y multiplient. Enfin la décision de créer
une force de 30 000 hommes composée de Kurdes et d’Arabes, sorte de « force
frontalière » permanente au nord-est de la Syrie est un indicateur
supplémentaire des intentions de Washington. Cette force contrôlerait également
à l’est une bande importante de la frontière avec l’Irak. Une tentative qui n’est
pas sans rappeler le programme de formation et d’équipement des rebelles
syriens dits « modérés » lancé en Janvier 2015 et qui avait été
suspendu en Octobre 2015. La mise en
place de cette force, sa composition, sa mission et les circonstances sont
certes complétements différentes. En effet, lors du précédent programme qui fut
un échec absolu, seuls 54 combattants avaient été formés à la mi-septembre sur
les 5000 prévus la première année du programme.
Plus que
jamais la Syrie demeure le terrain de jeu des luttes d'influences des
puissances régionales et internationales, en proie à leurs ententes
conjoncturelles et de leurs divergences stratégiques. Plus que jamais la donne est compliquée, la
paix semble hors de portée et le processus politique reste l'otage des
développements militaires sur le terrain ; l’ensemble des protagoniste,
régime et « oppositions » ainsi que leurs alliés respectifs
continuent de tabler sur une issue militaire :
Le régime caresse encore l'espoir de reprendre le contrôle de l’ensemble du pays, du moins l’essentiel de
la Syrie dite « utile » et de maintenir la jonction à la frontière
avec l’Irak qui assure une continuité stratégique et un ravitaillement à "l'axe de résistance "de Teheran jusqu'à Beyrouth; pour l’opposition une tentative de renforcer les positions qu’il lui reste, voir reconquérir en partie le terrain perdu, d'investir certaines des zones reprisent à Daesh et assurer des points de contrôle frontaliers avec la Turquie et la Jordanie. L'année
2018 s'annonce comme celle d'un retour à l'escalade et d'une intensification
des combats alors que d'Astana à Genève les pourparlers de paix sont toujours dans l'impasse en raison des mêmes écueils ; les derniers développements ne sont pas de nature pour le moment à favoriser une solution politique.
Carte : le-blog-sam-la-touch.over-blog.com
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