Syrie,
requiem du coeur et de la raison, Idleb, chronique d'un massacre annoncé,
remake de tant d'autres et où le sang n'a pas encore séché. Le bain de sang
semble imminent et l'on se dirige allègrement vers une nouvelle catastrophe
humanitaire comme s'il s'agissait d'un fatalisme, d'un implacable déterminisme.
Ni zones de désescalade, ni négociation d'un cessez-le-feu, ni diplomatie, ni
couloirs d'évacuation ni la moindre action humanitaire préventive, la guerre
contre le "terrorisme" n'attend pas - contrairement à la paix - et ne
s'embarrasse pas de nuances, encore moins du souci de séparer le bon grain de
l'ivraie, d'épargner et de négocier avec les combattants de l'opposition, et de
mener une offensive uniquement contre les jihadistes salafistes de l'HTC. Dans
le doute, il s'agira de frapper sur tous les rebelles sans distinction,
l'occasion est trop bonne, et tant pis pour les civils qui auront le malheur de
vivre là où il ne faut pas ... A quand le tri entre "bons" et
"mauvais" assaillants, entre terrorisme et terrorisme d’Etat?
N'avons-nous rien appris d'Alep, Homs, la Ghouta et Raqqa, de ces gouffres où
se sont effondrés toute idée de civilisation, des hécatombes de l'âme et de la
dignité humaine, d'un XX ème siècle et ses cortèges d'horreurs qui refuse de
céder la place.
Quand à la Turquie, elle est à nouveau face aux contradictions
et aux limites de sa politique syrienne, de ses choix hasardeux et de
l'arrogance de son président: elle se voulait acteur influent dans le cadre
d'un ménage à trois; elle se retrouve désormais faux-témoin pris en plein acte
d'adultère. Quand aux Etats-Unis, ils soufflent le chaud et le froid, envoient
des signaux contradictoires, mettent en garde et hausse le ton mais ont-ils
encore les moyens de joindre le geste à la parole et surtout la volonté de le faire?
Peut-on accorder encore la moindre crédibilité aux affirmations américaines?
La guerre menée de toutes parts aux dépends et/ou contre le peuple
syrien se poursuit avec pour seules considérations les impératifs géopolitiques
et les intérêts régionaux des uns et des autres qui légitiment et suscitent les
alliances les plus surnaturelles, les revirements en tout genre, les actes les
plus répréhensibles, les crimes les plus rébarbatifs, les compromis les plus
abjectes, les calculs les plus froids.
Aucune
supposées "lignes rouges" n'auront protégé les syriens, juste les
intérêts de ceux qui ont cherché, avec plus ou moins de succès, à les imposer;
elles n'auront eu cesse d'évoluer, de s'entrechoquer, d'être franchies jusqu'à
constituer un immense cercle vicieux. Jusqu'au bout le régime sera parvenu à
naviguer entre les lignes et à jouer des contradictions et des rivalités, tant
celles de ses ennemis que celles inévitable entre ses alliés et à
instrumentaliser à la perfection les peurs et les lachetés de l'Occident qui
partage autant d'inimité pour Bachar Al Assad que pour "les"
oppositions.
Accorder une victoire absolue au régime éloigne les perspectives
déjà minces d'une transition politique et institutionnelle à terme. Plus que
jamais, ses alliés devront le contraindre à négocier et à faire des concessions
substantielles faute de quoi ils ne seront jamais en mesure de capitaliser
leurs succès militaires et de mettre fin au conflit. Toutes
les lignes rouges humanitaires ont été dépassées en Syrie, dont celles qui
définissent les crimes de guerre et ceux contre l'humanité. La seule ligne
rouge à laquelle tous devraient se conformer impose l'arrêt immédiat du
massacre et du conflit qui dévore la Syrie et la mise en place d'une solution
politique réaliste sous l'égide des Nations-Unis.